Résistance La Seyne

 

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LA RÉSISTANCE
A LA SEYNE

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Il y a trente neuf ans, le 26 Août 1944, la ville de La Seyne se libérait de l'occupation allemande.

Le voile sombre de cette longue nuit qui avait avait commencé 4 ans auparavant se levait lentement sur la FRANCE occupée, puis sur l'EUROPE jusqu'à la victoire finale du 8 Mai 1945.

Victoire sur le nazisme, sur la barbarie, sur l'avilissement, victoire de la Liberté, de la Démocratie et de la Paix.

Le cauchemar prenait fin, la bête immonde était terrassée mais elle avait marqué profondément notre peuple et notre pays sans parvenir à l'étouffer totalement.

Des millions de morts et de disparus, des familles décimées, amputées dans leur chair. Des villes et des villages dévastés.

La longue nuit prenait fin. Elle devait faire place à un immense espoir dans le cœur de ceux qui n'avaient jamais accepté l'humiliation et de vivre comme des esclaves.

39 ans après, nous nous souvenons, non sans émotion et respect de celles et de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre libres.

Ce souvenir nous remet en mémoire l'exemple de ceux qui, au milieu de la tourmente, n'ont jamais cessé de lutter, même dans les pires moments, contre une idéologie chère à certains qui rêvaient d'asservir les peuples.

Notre ville, comme des milliers d'autres, n'a pas échappé à cette période dramatique de l'Histoire de FRANCE et de l'Humanité.

A ce titre, elle s'est honorée d'avoir participé à la défaite générale des forces nazies.

Elle a payé un lourd tribut en vies humaines et en dévastation sur son territoire.

Mon propos n'est pas de relater ces années noires dans leur moindre détail.

D'autres, plus qualifiés que moi l'ont fait, et beaucoup d'entre nous se souviennent, mais d'essayer bien modestement de rappeler les moments les plus marquants et rendre l'hommage qu'il se doit à celles et ceux qui les ont vécus et qui restent gravés dans nos mémoires, sur nos places et nos édifices publics ou à l'angle de nos rues.

C'est dans la nuit du 23 Novembre 1942, au moment du sabordage de la flotte à TOULON que LA SEYNE a été occupée par l'armée allemande.

Elle devait y rester jusqu'au 26 Août 1944, date de la libération, c'est à dire 21 mois durant lesquels la vie a été marquée au son des bottes de l'ennemi.

Mais déjà, avant cette date, bon nombre d'évènements s'étaient produits au plan communal, conséquence de la politique de collaboration du gouvernement de Vichy.

En Octobre 1940, suite à la dissolution du Parti Communiste Français, des instructions formelles avaient été données par le gouvernement afin que soit remplacé le nom des rues et des édifices publics rappelant la 3ème Internationale.

Ainsi le Ministre de l'Intérieur de l'époque, DARLAN, écrit dans une circulaire ministérielle en date du 19 Mars 1940 :

"Il importe dans les circonstances actuelles, qu'aucune appellation de voies ou d'édifices publics n'évoque plus ni les hommes, ni les faits, ni les idées de la 3ème Internationale".

Trouvant sans doute que la condamnation n'était pas assez marquante, le Préfet GENTIL, dans un courrier du 30 Octobre 1940, adressé à la municipalité, précise encore :

"D'une manière générale, il est inconvenant et paradoxal que cette manière d'hommage public continue à être rendu à la mémoire de ceux qui, par leurs erreurs ou leurs fautes, ont contribué à précipiter notre patrie dans la ruine".

A la suite de ces directives, plus inspirées par des considérations politiques que communales, la rue Henri BARBUSSE, baptisée en Juin 1936, devenait Rue Edouard BRANLY, et le Boulevard Roger SALENGRO, en hommage à l'homme politique que la droite française poussa au suicide sous le Front Populaire, redevint boulevard GAMBETTA, l'appellation SALENGRO étant jugée inopportune par le Préfet.

Au-delà des hommes et des idées de la 3ème Internationale, c'était tout l'acquis et l'espoir du Front Populaire que l'on voulait effacer des mémoires.

N'avait-on pas entendu certains déclarer :

"Plutôt HITLER que le Front Populaire..." ?

C'est en 1941, le 21 Mars exactement, qu'un arrêté ministériel fixait la composition du nouveau Conseil Municipal, en application de la loi du 16 Novembre 1940.

Après avoir démis de ses fonctions le Maire de l'époque, le Docteur MAZEN, un autre Maire, M. GALISSARD, fut nommé par l'Amiral DARLAN, Ministre de l'Intérieur, ainsi que le Conseil Municipal, sur proposition du Préfet.

La démocratie et l'expression du suffrage universel étaient ainsi bafouées, comme au temps du second empire.

La volonté ouvertement manifestée de briser l'espoir populaire issu des acquis de 1936 se dégage une fois encore des propos du Préfet au service du gouvernement, lors de son allocution des vœux à la nouvelle municipalité.

Jugez vous-même :

"Le temps des idéologies vaines est révolu. Ceux qui ont voulu conduire les masses laborieuses vers des sommets inaccessibles se sont lourdement trompés et ont failli à leurs devoirs".

L'Histoire a tranché et ceux qui ont failli à leur devoir sont précisément ces hommes qui avaient choisi de collaborer avec l'ennemi et tenter d'étouffer la conscience d'un peuple qui a su vaincre les forces qui tentaient de l'écraser.

Des hommes de lettres, tels que François MAURIAC, qu'on ne saurait accuser de sympathie communiste, a pu écrire, plus tard, sur cette douloureuse période de notre histoire :

"Seule la classe ouvrière dans son ensemble est restée fidèle à la FRANCE profanée".

Il est vrai que la classe ouvrière seynoise, notamment les ouvriers des Chantiers Navals, les F.C.M, a joué un rôle essentiel dans l'aboutissement de la journée du 26 Août.

En liaison étroite avec les organisations de résistance, toute une série d'initiatives furent entreprises jusqu'à la libération de la ville.

Les actions revendicatives et de sabotage se développèrent, notamment aux F.C.M.

A la faveur de la clandestinité, l'unité syndicale s'était reconstituée.

Un certain nombre de mouvements de grève ont été menés sous l'occupation.

Le premier eut lieu le 10 Novembre 1943.

Nul ne pouvait prévoir ce qu'allaient faire les ouvriers. Les tracts d'information étaient difficiles à diffuser à cause de l'occupant, et pendant des jours, le mot d'ordre a circulé de bouche à oreille.

Le lendemain, 11 Novembre, anniversaire de l'armistice de 1918 dont la célébration était interdite, une nouvelle grève se déclenche.

Place Verlaque, un cortège se forme et se dirige vers la mairie.

Le Maire est obligé de recevoir et de discuter avec les ouvriers qui réclament du pain et des abris contre les bombardements.

Le 22 Mars 1943, malgré les mitrailleuses mises en batterie par les soldats allemands.

Après la tragique journée du 29 Avril où tant de Seynois périrent à l'entrée de l'émissaire dans lequel ils s'étaient réfugiés pour se protéger des bombardements, d'autres manifestations éclatent contre l'insuffisance des abris.

Malgré les représailles, malgré les peines de mort promises aux ouvriers, dans une ville en état de siège, les grèves se multiplient avec succès et les travailleurs obtiennent des améliorations de ravitaillement, de salaires, qui furent ensuite étendues aux autres localités.

En Juin 1944, à l'annonce du débarquement en Normandie, nouvelle grève, notamment pour empêcher le départ des jeunes gens vers l'Allemagne.

Les sabotages sont très intenses, organisés par l'équipe de sabotage des cheminots et l'équipe F.T.P.F. des F.C.M.

Malgré les arrestations qui freinent les activités de la résistance, la lutte contre l'occupant ne cesse de s'organiser et de s'intensifier.

Avec le réseau "Franco-Polonais", avec le "Front National" dont les F.T.P.F étaient l'expression militaire et qui se réunissaient Rue Parmentier, avec le mouvement clandestin "Libération". Dès la fin de l'année 1942, tous ces réseaux et mouvements coordonnèrent leur action jusqu'à la victoire.

Dès le mois de Février 1943 s'organise l'acheminement vers les maquis du Sud-Ouest et des Hautes-Alpes.

Un maquis d'urgence, qui se tenait dans les collines du Beausset, sera organisé à partir de Mars 1943, en liaison et en contact étroits avec les résistants seynois.

D'une manière générale, comme en témoignent les arrestations et les internements dès le début du régime de Vichy, les organisations de résistance ont fonctionné dès 1940.

Pendant toute la durée de la guerre, des évadés, des patriotes, des réfractaires au Service du Travail Obligatoire (S.T.O) ont été reçus et dirigés sur divers maquis du Sud-Ouest, du Haut-var, de la Côte des Maures.

C'est au début de l'année 1944 que devait se constituer le Comité de Libération de La Seyne, sous la Présidence de Pierre FRAYSSE. Ce Comité, composé de membres des différentes organisations clandestines de la résistance, devait organiser plus tard les journées de la libération de la ville.

En Juillet 1944, un mois après le débarquement allié en Normandie, alors qu'à l'Est l'armée soviétique progresse à grands pas, de nouvelles grèves sont organisées. Le désarroi est grand au sein de l'armée allemande et des collaborateurs, et c'est presque au grand jour que se développe l'action des patriotes.

Le 11 Juillet 1944, la grève est déclenchée dans les chantiers. Elle durera 7 jours, malgré les forces allemandes et les menaces proférées à grand renfort de voitures-radio sillonnant les rues de la ville et appelant à reprendre le travail.

Le 14 Juillet, des centaines de Seynois se rassemblent sur le Port et un militant du mouvement clandestin prendra la parole.

Malgré leurs efforts, ni la gestapo, ni la police de Vichy ne pourront l'appréhender.

Caché, protégé par la population, il sera ensuite dirigé vers un maquis du Haut-Var.

Une manifestation sera organisée à travers les rues Cyrus Hugues, le Cours Louis Blanc et le Boulevard du 4 Septembre, aux chants de "La Marseillaise" et de l'"Internationale".

Et puis ce fut les chaudes journées d'Août. Les Allemands s'étaient repliés dans les Forts Napoléon et du Peyras et sur la presqu'île de Saint Mandrier. Une batterie s'était installée au jardin de la ville.

Un plan d'attaque avait été monté et fixé pour le Samedi 26 Août à 5 heures du matin pour déloger les Allemands de la batterie, qui se rendirent sans combattre.

Quelques jours plus tôt, des accrochages avaient eu lieu dans la colline au-dessus des 4 Moulins entre les Forces Allemandes et les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I).

Les Allemands avaient attaqué également le poste de police tenu par des policiers patriotes.

Par mesure de représailles, 3 policiers furent fusillés par les Allemands à la fin de ce combat.

Une plaque commémorative perpétue le souvenir de leur nom et de leur courage.

Les combats devaient durer 3 jours et quand l'armée française fit son entrée dans la ville par l'Avenue Gambetta, ce fut dans une ville pavoisée, et acclamée par une population qui venait de se libérer de 21 mois d'occupation et de 4 années de cauchemar.

Mais le bilan de ces années de guerre et d'occupation ennemie était lourd.

De Septembre 1939 jusqu'à l'Armistice de 1940, 75 tués, 456 prisonniers dont 11 morts en captivité.

Dans la période qui va de Mars à Août 1944, la ville a subi 6 bombardements, dont le plus dramatique fut celui du 29 Avril 1944 avec les évènements tragiques de l'émissaire commun.

Ces bombardements ont coûté la vie à 261 personnes et 463 ont été blessées.

Les objectifs visés étaient bien sûr les établissements industriels, les voies de communication et les fortifications sur le territoire de la commune.

S'ils n'ont été atteints que légèrement, par contre la ville, elle, a souffert énormément des destructions d'immeubles d'habitation.

4 310 habitations, dont 277 détruites en totalité, sur les 5 902 immeubles que comptait la ville à cette époque, qui a donc été sinistrée à près de 70%.

A cela, il convient d'ajouter la destruction totale des quais et installations industrielles du poste de police et des dommages importants aux F.C.M, exécutés par les Allemands avant la journée du 26 Août.

Beaucoup de nos concitoyens ont été arrêtés, pour fait de résistance notamment.

14 personnes ont été fusillées par les Allemands entre Mai et Août 1944.

115 personnes ont été déportées dont 14 ne sont jamais rentrées. Mortes en déportation.

3 ont été tuées au cours de combats.

Ces évènements tragiques restent dans nos mémoires et nous pouvons être fiers de ces citoyens, de ces travailleurs des chantiers, de ces combattants sans uniforme qui ont écrit une page glorieuse de l'Histoire de notre cité.

Ce qui lui a valu d'être citée à l'ordre du corps d'armée le 11 Novembre 1948.

Comme il est souligné dans la décision N°78 :

"Sa population ouvrière a entravé en permanence par des sabotages et des grèves la production au détriment des forces italiennes et allemandes. Ses organisations de résistance ont fourni de précieux renseignements aux Etats-Majors alliés (...)".

Cette situation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Étoile de Vermeil.

Petit à petit, la France se libérait de l'occupant, les troupes alliées par l'Ouest et l'armée soviétique par l'Est marchait sur Berlin.

La fin du règne nazi, des morts, des tortures, des avilissements de l'inhumanité était proche.

En Septembre 1944, une délégation spéciale avait été mise en place par le nouveau Préfet, alias "BERGER" dans la résistance, sur proposition des Comités Local et Départemental de Libération. Issue des organisations de résistance, elle était composée des membres de la C.G.T, du P.C.F, du Front national, du Mouvement Catholique, du Mouvement Unifié de la Résistance, de la Franc Maçonnerie, et des Femmes de France, suivant les directives du gouvernement provisoire et dans l'attente des élections prochaines.

Une des premières décisions de la délégation spéciale fut de rétablir le nom des rues, débaptisées sous l'occupation.

Le nom, la mémoire et les idées de ceux qui avaient tout au long de leur vie oeuvré pour que les "masses laborieuses accèdent aux sommets inaccessibles" reprenaient ainsi leur juste place dans l'histoire du combat pour la Liberté.

C'est en Avril 1945 que les élections se déroulèrent à La Seyne.

L'expression du suffrage universel, bafoué honteusement pendant 5 ans, était rétabli, rendant la parole au peuple français, suivant les termes du Conseil National de la Résistance.

Quelques jours après, l'Allemagne capitulait.

Le 8 Mai 1945 voyait se terminer la longue nuit qui endeuilla le monde de quelques dizaines de millions de morts et qui dévasta l'Europe.

Aujourd'hui, ces évènements semblent bien loin. 39 années ont passé - il est vrai - mais peut-on se contenter d'un simple rappel à la mémoire de celles et de ceux qui ont payé de leur vie.

Comment ne pas être inquiets face à des résurgences d'une idéologie que l'on croyait à jamais vaincue.

L'indifférence devant ces attitudes aux relents racistes et fascisants serait la pire des choses.

Surtout si l'on songe qu'il a fallu près de 40 ans pour qu'un Klaus BARBIE soit enfin amené à rendre des comptes de ses actes devant la justice.

Alors qu'il a vécu en toute impunité durant ces années, grâce à la bienveillante attention de certains pays.

Les forces de gauche, les hommes et les femmes de progrès, qui restent profondément attachés à la démocratie et aux libertés, doivent rester mobilisés.

Rien n'est jamais acquis définitivement et si l'Histoire ne se reproduit pas deux fois de la même façon, les mêmes causes entraînent invariablement les mêmes effets.

Ce qui peut paraître anecdotique n'est jamais dépourvu de signification et changer le nom d'une rue, d'une place, dans une situation particulière donnée, n'est pas un acte gratuit.

Quand on débaptise la rue P. MENDES-FRANCE à Chambéry ou Salvatore ALLENDE à Levallois Peret, à Suresnes et en Avignon ; la rue du 19 Mars 1962 à St Quentin ; quand les noms de Jules VALLES, Pierre BROSSOLETTE, Julian GRIMAU et Victoir MEYER sont de la même manière bafoués à Sète ; quand dans bon nombre d'autres villes ont été changées les rues de "La Commune" pour en faire des rues Thiers, on a peine à croire qu'il s'agit là d'un simple hasard.

Si l'on ajoute les attaques contre le secteur culturel, la politique sociale et la remise en cause des équipements collectifs, on est placé devant une offensive contre la gauche, ses hommes, ses valeurs et ses symboles qu'il serait dangereux de sous-estimer.

Le respect de la personne humaine, l'hommage public rendu à leur action, la mémoire vivante de ceux qui ont connu cette période et sont encore parmi nous aujourd'hui, et que je salue chaleureusement, doivent être pour les générations actuelles, pour nos jeunes, beaucoup plus forts que tout esprit de revanche qui anime aujourd'hui encore certains hommes politiques.

En cette journée du souvenir, nous ne pouvons pas oublier. Nous ne voulons pas oublier que notre commune, sinistrée, a été reconstruite, embellie et placée au tout premier rang des villes du département, grâce aux sacrifices de celles et ceux dont les noms s'inscrivent en lettres d'or sur nos places et grâce à l'action des hommes et des femmes qui ont poursuivi leur combat au service de la population et des intérêts communaux.

Je ne connais pas de plus bel exemple d'espoir et de foi en l'avenir que celui de ces femmes et hommes, employés, ouvriers, ingénieurs, paysans, intellectuels, commerçants, dans leur diversité, qui un jour, tout naturellement, répondant à l'appel de leur conscience, se sont mis au service de la liberté.

M'adressant aux associations d'Anciens Combattants, de Résistants et de Déportés, m'adressant aux familles seynoises qui ont perdu un père, une mère ou un enfant dans ces moments difficiles, je voudrais qu'ils sachent que nous restons attachés à leur mémoire et à leur sacrifice.

Vive La Seyne, Vive la Paix, Vive la Liberté.

 

 

Maurice BLANC
Maire de La Seyne

Discours prononcé le 28 août 1983
pour le 39ème anniversaire de la Libération de La Seyne